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Petit préambule rajouté en octobre 2013 :

Le cours sur la démonstration permet de savoir quels sont les ingrédients du savoir démonstratif, celui qui est certain et formellement établi.

La démonstration est-elle une opération mécanique, effectuable par un robot, un ordinateur, une machine sans conscience, sans intuition ? Dans ce cas il pourrait y avoir science sans conscience. Des opérations strictement particulières, en déplaçant des particules, seraient des démonstrations. Telle était l’idée de Hilbert, qui voulait rendre objective la science en la débarrassant de toute conscience, de tout sujet, de toute intuition, tout cela étant par trop singulier.

Hilbert pensait qu’on pouvait réduire la mathématique à la logique, qu’on pouvait formaliser complètement la mathématique, lui ôter toute intuition.

Il avait tort et raison, comme l’a démontré Gödel en 1931.

Tort parce que Gödel va démontrer qu’on ne peut pas supprimer l’intuition. Raison parce qu’en effet on peut bien réduire la mathématique à la logique.

Mais la logique à laquelle la mathématique se réduit n’est pas cette logique aveugle, sans référent extérieur, à laquelle pensait Hilbert, mais la logique comme discours stimulé par un donné extérieur au discours, comme système ouvert et non comme système fermé. La logique qui contient les mathématiques est elle-même fécondée par l’intuition, elle est non un énoncé cohérent mais un parler-de-quelque-chose.

On pourrait penser que la logique formalisée est stérile et que seule l’intuition peut la féconder. En réalité la logique formalisée, prise dans des formalismes mécaniques ou dans des formalistes dynamiques, possède une réelle fécondité pratique. Il faut nécessairement une intuition pour convertir cette fécondité pratique et technique en une fécondité théorique, qui soit un savoir de quelque chose.

*

Pour tout comprendre, il faut donc savoir ce que c’est que la mathématique pour un grec de l’Antiquité comme Euclide, et ce qu’est la logique pour cet autre grec antique qu’est Aristote.

Ensuite il faut comprendre ce que signifie le projet, porté par Leibniz, de réduire la mathématique à la logique, qui inscrit Leibniz dans le courant formaliste, et qui l’oppose à Descartes et à son intuitionnisme.

Ensuite il faut comprendre que le formalisme leibnizien est lié à une substance métaphysique qui est une force, une puissance qui combine des concepts. Cette force combinatoire a en elle-même d’ailleurs franchi le seuil quantitatif de la conscience dans tous les domaines, si bien qu’elle est aussi une conscience, même si dans les principes elle est plus fondamentalement un calcul logique total, donc une puissance calculante, dont l’unité synthétique contient cependant de la conscience. De même que la logique chez Aristote était ultimement logée dans l’intellect divin doué de l’intuition de soi-même, ou autoréflexivité, sans médiation par d’autres règles de discours, par quoi la logique était une science avec son évidence interne propre.

Avec la critique de la métaphysique par le scepticisme d’une part, par le positivisme d’autre part, un nouveau formalisme va naître, qui vise à faire de la logique un fait matériel et non plus spirituel. L’automate de Hilbert ne sera pas l’automaton spirituale de Leibniz, mais un appareil à démontrer, qu’on pourrait mettre dans sa cuisine entre le micro-ondes et le grille-pain, la raison serait alors un calcul formel matérialisable.

Côté scepticisme on voit Russell s’amuser à provoquer en affirmant que la mathématique ne serait pas une science, elle devient « une étude dans laquelle on ne sait jamais de quoi on parle ni si ce qu’on dit est vrai. »

Il faut bien comprendre alors l’intérêt du théorème de Gödel 1931 qui modifie totalement la donne puisqu’il permet de redonner à la logique et aux maths le sens d’un savoir de quelque chose, d’une part, et laisse ouverte la possibilité de penser une ouverture spirituelle du système de la connaissance.

Le côté mystique de la démonstration de Gödel est souvent mentionné, mais cette affirmation ne peut avoir de sens qu’intuitif, elle suppose d’être vue en la disant, ce qui suppose de vouloir la dire et vouloir la voir. Elle n’a donc pas de sens pour qui n’en veut pas. Un dialogue de sourd se crée alors entre les uns et les autres, véritable impasse, mais laissant la décision ouverte à un choix, ce qui en termes de liberté n’est pas inintéressant.

Le dialogue de sourds s’organise autour de la question : l’intuition nécessaire est-elle une intuition sensible liée à un corps singulier dont la singularité est un contingent incompréhensible, ou bien l’intuition nécessaire est-elle cette unique singularité qu’est l’acte spirituel de transcendance extatique qui signe, dans le sujet corporel fragile que je suis toujours, la présence irreprésentable d’un infini ouvert ?

Si un jour on fabrique un robot qui devient conscient, parlant, apte à faire des démonstrations, cela viendra-t-il seulement de la forme qu’on lui a donné ou bien cela viendra-t-il du fait que cette forme est prise dans une matière qui n’est pas ce que nous croyons qu’elle est, et qui lui conférera des propriétés non contenues dans la seule forme logiquement et techniquement produite par nos transformations? Gödel nous fait comprendre en effet que la matière, le substrat existant, serait impliquée parce que la forme logique seule ne peut en aucun cas générer un discours apte à la réflexivité, à la conscience ni à l’auto-référence. Mais que serait ce substrat, simple singularité matérielle locale ou singularité connectée au singulier infini qui la traverse? C’est bien là que le dialogue de sourds perdure.

C’était la mise en évidence des enjeux réels d’un cours sur la démonstration, qui pose la question de l’intelligence artificielle, de la conscience et de l’inconscient, et la question du sujet connaissant: qui sommes-nous, nous qui pensons parfois démonstrativement?

Si donc vous lisez cet article,  et si le début vous ennuie et que vous voulez passer à l’essentiel, vous pouvez commencer par le 3) sur l’intuitionnisme et le formalisme, et ne lire qu’après le 1) et le 2). Commencer donc par A) les grecs antiques, a) l’arithmétique et la géométrie pour Euclide, b) la logique pour Aristote, puis passer à la querelle Leibniz/Descartes, formalisme contre intuitionnisme, pour enfin arriver à la réduction de la mathématique à la logique, mais à une logique qui finalement a un référent extérieur, un donné dont elle parle par notions risquées.

L’idée qu’il n’existe qu’un seul espace à proprement parler, un seul espace qui n’est qu’espace, à savoir l’espace euclidien, qui passe pour naïve au sens péjoratif du terme, est donc une idée risquée qu’on ne peut prouver à qui ne veut pas la voir, mais qu’on peut penser vraie si on a une claire vision de ce qu’est l’espace euclidien et de ce que sont les variétés de Riemann et de Lobatchevski, à tort appelées « espaces à courbure positive ou négative » et qu’il est plus sage d’appeler variétés. Mais il est difficile de lutter contre l’usage métaphorique du mot  « espace » lorsqu’il est trop commode, surtout s’il désigne des variétés qui ont les propriétés de l’espace, à savoir extériorité des parties et réversibilité. Le temps représenté hors de soi sera alors aussi appelé « espace » et sera une « quatrième dimension » étalée autrement qu’en longueur, largeur ou profondeur. Mais cette spatialisation du temps est elle aussi très contestable.

Résumé du cours sur la démonstration

On ne peut formaliser intégralement une démonstration, soit une pensée logique qui se prononce avec certitude sur une nécessité universelle. Un élément impossible à formaliser vivifie le discours démonstratif et l’ouvre sur l’infini, c’est l’intuition. L’infini auquel ouvre l’intuition n’est pas le concept logique de totalité (ce qui n’a pas d’extérieur) mais un risque existentiel dont on fait l’ex-périence, explicitement ou implicitement, et auquel on peut opposer un déni de même qu’une femme très avancée dans sa grossesse peut demeurer dans un total déni de grossesse. Le déni de l’intuition ne prouve pas qu’elle ne soit pas là de manière éclatante et évidente, voire vraiment énorme, peut-être même trop éclatante pour être vue.

Or l’intuition en elle-même n’est pas logique. C’est pourquoi elle ne peut être prouvée et c’est pourquoi elle peut être passée sous silence sans contradiction jusqu’à un certain point. Elle est inséparable d’une parole qui n’est pas la logique formelle, qui n’est pas un système de concepts fermé sur soi et garanti par sa seule cohérence interne, mais une parole qui parle de quelque chose. Cette ouverture sur l’infini comme possibilité est singulière, elle est présente à la fois dans l’intuition, dans la parole et dans la volonté. Cette intuition est intuition de quelque chose, inséparable et distincte d’une parole qui se prononce sur quelque chose, inséparables et distinctes d’une volonté qui veut quelque chose : la même distance simple et singulière est chaque fois l’ouverture qui rend possible une pensée libre, qui se possède soi-même mais de façon paradoxale et risquée, dans une subjectivité au sens transcendantal qui est en réalité dans sa forme complète une intersubjectivité.

Cela se concilie parfaitement avec l’affirmation que l’intuition est nécessaire mais pas suffisante, que les concepts logiques sont nécessaires pas suffisants, que la construction volontaire de l’objet soit nécessaire et pas suffisante au sein du processus à la fois simple et compliqué de la connaissance, dit pour cette raison complexe, comme une uni-diversité ou universalité.

Matériellement on obtient la même formalisation pour les sciences de la matière vivante ou inorganique : une observation sensible, matérielle et particulière, ne démontre jamais le vrai universel, le vrai de vérité de raison, mais elle démontre parfois le faux d’un modèle qui visait l’universel comme possibilité : il y a donc une valeur démonstrative du particulier observé ou manipulé dans la mesure où il est compris comme un contre-exemple à l’intérieur d’un cadre ouvert à l’universalité .

Lorsque Aristote dit que la terre est le centre de tous les mouvements du cosmos, du ciel, cela prétend à l’universalité, au moins à la totalité. Or Galilée ne voit pas seulement Jupiter dans sa lunette, il ne regarde pas seulement Jupiter non plus, il observe au sens où il perçoit le mouvement des quatre lunes autour de la planète comme un contre-exemple à la thèse du géocentrisme absolu, contre-exemple qui démontre la fausseté de la possibilité d’un géocentrisme total. On ne démontre pas rien en physique, on n’est pas seulement habitué, on raisonne sur des cas volontairement reliés à des idéalités mathématiques. Construire volontairement des modèles mathématiques et croire que cette volonté peut réussir à rattacher la complication des faits naturels à quelques constantes plus simples, c’est vouloir donner la forme de la démonstration au discours qui modélise la nature : cette volonté et cette foi volontaire en l’intelligibilité de la nature n’est pas la croyance habitude qui se renforce involontairement suite à des répétitions de cas ressemblants.

Nous sommes donc d’accord avec Hume sur le fait que la connaissance commence avec l’expérience et qu’elle est liée à un risque ouvert, une foi en des possibilités, mais nous contestons qu’il s’agisse nécessairement de l’expérience-habitude et de sa croyance involontaire résultant d’une accumulation de particularités, comme par induction. Nous pensons l’induction comme un risque tourné vers le possible d’une déduction espérée, non comme une addition de cas particuliers qui se succèdent involontairement. Nous pensons liés le risque de l’induction en physique et le risque du postulat dans les constructions logico-mathématiques. Comprendre ce cours signifie voir synthétiquement comment les nombreuses affirmations qu’il contient tiennent toutes dans une vue simple qui ne demande pas une intelligence exceptionnelle, ni des performances, seulement l’aptitude à se concentrer vers ce qui est indiqué et proposé à voir.

Comme Hume toutefois nous pensons que notre volonté est intimement liée à quelque chose qui nous échappe, mais au lieu d’y voir une matière sensuelle inclinant au scepticisme, nous y voyons la trace possible d’une altérité, la volonté d’un autre. Hume d’ailleurs ne se prononce pas sur l’être ultime de cette matière sensuelle, son scepticisme mitigé n’excluant aucune possibilité métaphysique puisqu’il n’est pas fermé à la possibilité d’une religion naturelle.

Plan du cours

Résumé du cours

Plan du cours (vous êtes ici)…

Introduction générale

La démonstration dans les sciences dites formelles de la nature (logique, maths): Démontre-t-on en maths?

1)Et si on ne démontrait rien? = la version sceptique du formalisme, où les axiomes ne sont que des conventions sans contenu intuitif: Bertrand Russell.

2)Contestation du scepticisme.

3)Intuitionnisme et formalisme.

A) L’Antiquité grecque

a) La fondation de la logique par Aristote          b)La géométrie d’Euclide.

B)La querelle moderne de l’intuitionnisme et du formalisme.

a)L’intuitionnisme cartésien       b)Le formalisme leibnizien      c)Les progrès de la logique (formalisation des entiers naturels par Frege) et les Géométries Non Euclidiennes (Lobatchevski et Riemann).      c1Les GNE        c2Frege

4)Le sens du théorème de Gödel

a)Que veut démontrer Hilbert?

b)Qu’apporte et que démontre Gödel?

Conclusion sur logique et maths.

II) La démonstration dans les sciences expérimentales ou d’observation (sciences de la nature matérielle).

Intro: LE PROBLEME.

A)Démontre-t-on en physique?

1) Et si on ne démontrait rien? (Hume)    2) Critique du scepticisme.

B)Que démontre-t-on en physique?

1)La démonstration du faux ou falsifiabilité (Popper)

2) Entre croyance habitude involontaire et foi volontaire en la raison.

INTRODUCTION GENERALE

Peut-on tout démontrer? ou ne démontre-t-on jamais rien? ou seulement quelque chose? Mais qu’est-ce d’abord que démontrer? Car pour savoir si l’on démontre tout, rien, quelque chose, il faut savoir de quoi on parle, et se demander si l’on peut démontrer qu’on démontre. La démonstration est-elle du genre réflexif comme l’intuition intellectuelle chez Aristote ou Descartes, ou du genre prudent comme Schreck ou les sceptiques?

Qu’est-ce que démontrer? N’est-ce pas ramener le compliqué au simple, cesser de montrer le compliqué sous forme compliquée pour le montrer sous forme simple?

2+2=4  devient par analyse

(1+1)+(1+1)=1+1+1+1 qui en vertu de la commutativité de l’addition devient

1+1+1+1=1+1+1+1 qu’on peut simplifier

1+1+1=1+1+1

1+1=1+1

1=1

A quoi arrive-t-on? A un indémontrable, certes. Comment simplifier 1=1?  Mais est-ce l’indémontrable d’une évidence, ou l’indémontrable d’un fait? Est-ce une vérité de raison ou une vérité de fait? Une nécessité universelle de sorte qu’on voit qu’autre chose n’est pas possible, ou un fait particulier auquel on ne comprend rien parce qu’il n’y a rien à comprendre, un fait qui s’impose à nous par la contrainte?

Spinoza dirait: est-ce une intuition intellectuelle, une nécessité comprise, en Dieu infini Nature Naturante, ou est-ce une nécessité subie, par moi en tant que morceau de la nature naturée. A moins que ce ne soit les deux: vraiment une évidence, et vraiment un fait, et vraiment une nécessité de signification, et que ces trois soient distincts et inséparables.

Une évidence: Je suis éclairé par l’infini ouvert et je vois le fini 1=1 comme dépassé par mon regard ouvert sur l’infini, surplombé dans ses limites, ce 1=1 si borné, sans matière, ni secret, ni capacité à se transcender, bien évidemment que 1 n’est que lui-même: je le vois, c’est du fini dématérialisé, une forme finie, l’identité idem comme objet dans le clair champ ouvert de ma conscience au sens transcendantal du terme.

Un fait: Je ne vois pas votre conscience, sa singularité me semble une obscurité louche, vous voulez me manipuler en me prenant par la « conscience » pour exercer sur moi le pouvoir des prêtres et de la morale…Mais 1=1 n’est qu’un fait, qui s’impose de fait, et qui fonctionne, et quand on essaye autre chose, ça ne marche pas, voilà tout. La vérité n’est qu’une suite de faits particuliers qui pour l’éternité seront ce qu’ils sont et auront été ce qu’il auront été, il suffit de lire Comte-Sponville et son Traité du désespoir et de la béatitude pour voir que la vérité, le sens, l’intuition, le sujet, n’existent pas, ni l’altérité ni la distance, il n’y a que des faits qui sont ce qu’ils sont, c’est logique.

Si 1=1 est une intuition, et si l’intuition est indémontrable, et si l’on veut tout démontrer, on sera tenté de supprimer cette mystérieuse intuition: c’est le formalisme. Informatique, formater: un ordinateur calcule et combine sans intuition. Logique, logiciel.  Mais démontre-t-il? Ceci dit, qu’est-ce que l’intuition, si subjective, pourrait bien apporter à la démonstration? Les formalistes se disent qu’il doit y avoir une trouvaille logique par laquelle on pourrait compléter le système afin de se passer de cette singulière « conscience » qui n’a aucune réalité conceptuelle puisqu’elle n’est même pas définissable, pas plus que le temps ou l’existence. (L’idée de Hilbert d’un formalisme intégral.)

La querelle des métaphysiciens et des faitalistes est donc ouverte, partons en guerre, sainte ou quichottesque, afin de savoir si l’on démontre tout, quelque chose, rien et si quelque chose, quoi? Et qu’est-ce qu’on ne démontre pas? et pourquoi? Les indémontrables ne sont-ils que des indémontrables de fait, pour l’instant indémontrables mais qui le seront plus tard, ou des indémontrables en droit, qu’on ne saurait démontrer parce qu’ils sont d’une réalité sur laquelle ni le concept, ni la logique, n’ont prise. Démontre-t-on que la matière doit exister, ou le temps? Démontre-t-on la conscience, la parole, la volonté? Non, ce qui permet à certains de nier leur réalité. Les démontrera-t-on un jour?

Et si l’on n’y parvient pas, jamais, est-ce parce qu’il y a une transcendance qui échappe à toute démonstration, ou est-ce parce qu’il n’y a que des faits, jamais de démonstration, que des vérités de fait, des particularités, jamais de vérités de raison, ni d’universel, ni d’infini?

Bref le fait qu’on ne démontre pas 1=1 n’est qu’un fait, il ne prouve pas les raisons pour lesquelles il est indémontrable, ni le sens de ces raisons. Or c’est ce sens qui nous intéresse ici. Il s’agit de philosophie, pas de logique ou de mathématique fermées sur elles-mêmes.

La démonstration peut se concevoir dans différents domaines: dès lors qu’on y démontre, une discipline devient science. Si on peut démontrer en métaphysique et en morale, alors métaphysique et morale sont des sciences. Si l’on peut démontrer dans des disciplines formelles comme la logique et les mathématiques, alors on pourra les appeler « sciences de la nature formelle » quoiqu’elles soient peut-être plutôt des « sciences de la nature matérielle dématérialisée. » Si l’on peut démontrer en physique, chimie, biologie, on pourra les appeler sciences d’observation ou sciences expérimentales, selon qu’on insiste davantage sur l’intuitif de l’observation ou sur le faire de l’expérimentation. Rattacher la complication des phénomènes visibles à quelques règles moins compliquées, puis ces quelques règles à une seule, comme on rattache 2+2=4 à 1=1, ce serait achever la simplification du monde physique par la science, comme si elle était une démonstration commencée qu’on espère achever un jour parce qu’on y croit, parce qu’on a foi en la rationalité du monde physique, à la possibilité de rattacher le divers à quelque unité, et à quelque identité, qu’elle soit idem ou ipse.

Le jour où, par quelques constantes, en modifiant simplement quelques variables, on passera des champs gravitationnels aux champs magnétiques, puis aux forces fortes, puis aux forces faibles, si l’on n’a pas découvert d’autres forces d’ici-là, ou si ces nouvelles forces sont elles-aussi accessibles par quelques autres variables toujours avec les mêmes constantes, alors la physique aura achevé cette unité qu’elle cherche. Cela suffirait-il à faire d’elle une science? Il faudrait encore qu’elle soit rattachable à une métaphysique qui dise pourquoi il y a ces forces et pas d’autres, pourquoi telle quantité de matière, d’énergie, et pas plus, ni moins…mais elle aurait quand même beaucoup avancé. Elle serait une quasi science de la matière, malgré les paradoxes de cette expression.

La liste des disciplines pouvant prétendre au nom de « science » est-elle complète, ou faut-il y ajouter les sciences humaines? Peut-il exister une sociologie, une psychologie, une linguistique, une histoire, une ethnologie, une économie scientifiques qui seraient démonstratives et qui toutefois seraient des sciences de l’homme dans son humanité et pas seulement dans son animalité comme pour la biologie, la physiologie? L’idée d’un déterminisme ouvert pourrait-elle compléter ces sciences et éclairer leur sens de sciences humaines? D’autres problèmes, d’autres difficultés apparaissent ici, qui amèneront à se demander si le mot « science » a bien un sens univoque lorsqu’on glisse des sciences formelles aux sciences d’observation puis aux sciences dites humaines. Il faudra s’interroger sur le sens de l’expression « preuves matérielles » si l’on dit qu’on ne connaît que ce qu’on construit ou conçoit ou traverse d’intuition, car la matière est précisément ce qui est opaque à l’intuition, pas concevable par concepts logiques, ni construit par nous, notre technique n’étant que transformatrice.

Et la métaphysique? A-t-elle un rapport avec les sciences? Les sciences sans elle sont-elles vraiment des sciences? Est-ce par naïveté crédule et niaise qu’on peut encore se demander aujourd’hui s’il existe un système métaphysico-scientifique, ou est-ce par une naïveté profonde, celle par laquelle chacun croit spontanément qu’il n’existe qu’un seul réel quand bien même il existerait un nombre infini de mondes.

Les objectifs de ce cours: Dire ce que signifie « être sujet ». Dire s’il est légitime d’appeler « sciences » les sciences, ou si ce n’est qu’un fait particulier conventionnel. Démontre-t-on quelque chose? Car si on ne démontre jamais rien, nulle part, alors le scepticisme est la philosophie la plus légitime et aucune discipline prétendument scientifique n’est autre chose en réalité qu’une manière de parler ou une manière de faire.  Tout serait donc relatif et la conscience serait seulement un fait psychologique particulier, une impression d’évidence qui accompagne certaines pensées, de même que sa peau accompagne un mathématicien quand il définit les figures géométriques.

Avec les sceptiques et les formalistes qui ne sont ni hilbertiens ni leibnitziens, nous douterons que les mathématiques soient une science, avec Hume nous douterons que la physique soit une science. Ces doutes sont le passage nécessaire pour bien comprendre la distinction entre intuitif et discursif, et par suite entre parole et logique des concepts. Bien comprendre la différence entre le concept de droite (la totalité des points à une dimension) et la notion de droite intuitivement rectiligne.

Plusieurs paradoxes devront être affrontés: par exemple notre époque est la plus relativiste jamais connue, elle renvoie d’abord l’absolu au seul domaine privé, puis l’intuition elle-même, renvoyée au domaine privé, dit « subjectif », est exclue des « sciences », dites « objectives ». Pourtant on sait qu’en supprimant l’intuition, on ne garde que des pratiques, ou des techniques, sans valeur théorique, et l’on sait depuis Gödel que l’intuition est impossible à supprimer, ce qui revient à admettre quelque matière dans la science, sans qu’on puisse déterminer s’il doit s’agir d’une matière sensible ou spirituelle. Allons-nous vers un monde où seule la technique sera du domaine public? ou seules les procédures seront notre monde commun?

On continue toutefois d’appeler sciences les disciplines traditionnellement nommées ainsi, et on valorise le recours à l’outil mathématique comme s’il avait une valeur démonstrative, à moins qu’il ne s’agisse que de calcul, opérable sans conscience par un computer ou ordinateur. Les axiomes intuitifs d’Euclide ont disparu avec l’intuition qui distinguait les axiomes (intuitifs) des postulats (non intuitifs), mais on appelle axiomatiques et non postulatomatiques  les disciplines sans intuition, tout comme on appelle mémoire, morte ou vive, la zone de stockage de ces amnésiques absolus que sont les ordinateurs.  Ainsi la facilité pratique des mots l’emporte collectivement sur leur signification en conscience, fait accru par les SMS, le caractère procédurier de toute justice qui se décide sur des vices de forme indépendamment des évidences pour la conscience, réduites à des croyances culturellement relatives, effets du déterminisme ethnologique.

Il est devenu normal de dire qu’il y a plusieurs géométries, plusieurs « espaces » et que 3 angles = 180° n’est qu’une hypothèse parmi d’autres, une convention particulière, si bien que l’idée même qu’il existe des vérités de raison est préjugée collectivement comme un manque de compétence scientifique ou un attachement partisan à des croyances absolutistes d’un autre âge. Le relativisme est devenu l’idéologie spontanée de quiconque veut se protéger de tout procès de partialité, un gage d’honnêteté. Quand on a montré qu’on est relativiste on a donné par là la garantie qu’on ne sera ni intolérant, ni fanatique, ni assujetti à de troubles dépendances passionnelles. Mais cela suffit-il à faire un monde motivant pouvant proposer pour la collectivité des hommes des buts de civilisation pouvant être soutenus par une ardeur distincte de l’appât du gain ou du plaisir individualiste de tirer son épingle du jeu, et après moi le déluge?

La falsifiabilité de la physique a fini par signifier « la physique, c’est p’t’êt pas vrai… », le théorème de Gödel irait dans le même sens: toute preuve est relative, c’est une possibilité hypothético-déductive parmi d’autres…Ne disons rien de la relativité d’Einstein, qui est pourtant un déterministe des plus absolutistes, supposée plaider pour le « tout est relatif » alors qu’Einstein voit lui deux absolus: 0°K et la vitesse de la lumière.

En effet, ce relativisme n’est pas là par hasard, il a sa pertinence même, puisqu’en effet les questions sont bien: Que peut-on démontrer? Tout? Rien? Quelque chose?

Or il faut comprendre qu’en un certain sens, au sens formalisé du terme, si on démontrait tout, on supprimerait toute intuition, de sorte qu’on ne démontrerait rien: on opérerait à l’aveugle, on ferait fonctionner des concepts mécaniquement, comme un jeu composé de règles contingentes, conventionnelles, particulières.

Il est donc essentiel de saisir que pour démontrer quelque chose, on ne doit pas tout démontrer. C’est même cela que démontre Gödel lorsqu’il ruine le formalisme de Hilbert. Mais que signifie ultimement tout ceci?

Deux possibilités subsistent: ou bien une démonstration suppose pour exister un corps fini de type matériel, pas forcément atomiste d’ailleurs, compris dans une totalité corporelle finie, ou bien une démonstration suppose, pour exister, un corps fini de type matériel compris dans une totalité de présence infinie capable, mystiquement, de transcendance extatique. Ce que démontre Gödel, c’est qu’un système logique formalisé n’est pas possible ni autoréférent, ni seulement apte à parler de quelque chose, ni apte à se donner la diversité dont il a besoin pour fonctionner, et qu’il doit tenir sa puissance d’exister et d’opérer d’ailleurs que de sa cohérence conceptuellement maîtrisable, cet ailleurs pouvant être appelé méta mathématique, ou méta logique, ou méta formel, ou méta conceptuel, peu importe.

Enfin pour clore cette introduction regrettablement longue, nous voudrions montrer que parmi ces trois postures épistémologiques, à savoir l’intuitionnisme (cartésien) le formalisme (leibnitzien) le constructivisme (Bachelardien?), aucun n’est vrai à lui seul et qu’ils n’ont d’efficience que lorsque l’un d’eux est médiatisé par les deux autres, pour la seule raison qu’il n’y a pas originairement d’extériorité entre le pouvoir d’intuition, le pouvoir de signifier et le pouvoir d’exercer une force interne volontaire. Ceux qui veulent réduire le savoir à un voir sans force ni signification (l’idée que savoir= conscience, ou savoir = voir) se trompent autant que ceux qui veulent que le savoir soit seulement un faire, un calcul, un déplacement de cailloux ou un exercice de puissance (savoir = volonté de puissance) ou que ceux qui veulent réduire le savoir à des significations conceptuelles prises dans un système fermé total de concepts (savoir = logique). De ces trois termes, aucun n’a la priorité et ne subordonne les autres, et aucun ne peut être retiré sans détruire la valeur de vérité des deux autres.

Ni intuitionniste à la manière de Descartes, ni formaliste à la manière de Leibniz, ni constructiviste, ce parcours épistémologique placera la singularité du risque au coeur même du déterminisme ouvert dans lequel la nature finie peut être connue partiellement par le sujet fini qui vit avec elle en elle sans être entièrement enfermé en elle, ouvert qu’il est sur l’infini, implicitement d’abord, dès sa plus naïve rencontre avec le réel. Nous voudrions affirmer fermement la réalité du déterminisme à la manière de Spinoza et le libre arbitre à la manière de Descartes, sans fracturer le déterminisme,  en faisant jouer non pas deux substances dans le monde mais la notion de déterminisme ouvert traversé par un infini d’altérité peu à peu intériorisé. L’infini existentiel dont nous parlons ici n’est ni l’infini comme concept (ce qui n’a pas d’extérieur) synonyme de totalité logique, ni l’infini d’un nombre illimité d’existants finis, mais l’acte simple de se tenir en dehors de soi. La totalité existentielle ou totalité de présence d’un tel infini est si simple et si proche qu’elle est présupposée en toute conscience, toute parole, toute volonté.

I) La démonstration dans les sciences dites formelles de la nature.

En maths et logique, ou bien on démontre quelque chose, ou bien on ne démontre rien, ou bien on démontre tout.  Ou bien on démontre à l’intérieur d’un système fermé, total, qui n’a  pas d’extérieur, ou bien on démontre en lien avec une ouverture sur un donné. Le système fermé est ou bien une totalité métaphysique, le Réel, on est dans le formalisme leibnizien, voire hegelien si on le complète par une dialectique, ou bien dans un formalisme positiviste à la manière de Hilbert, où la raison devient une totalité susceptible de devenir empirique. Ou bien on démontre quelque chose mais pas tout parce que l’intuition n’est pas démontrable. Dans ce cas ou bien l’intuition indémontrable est en elle-même une connaissance, ou bien elle n’est que la rencontre d’un donné qui ne peut être que partiellement connu. Enfin il se pourrait qu’on ne démontre jamais rien, car les règles logiques qui fonctionnent sont de simples règles particulières et contingentes, des particularités qui existent de fait et rien de plus: c’est le scepticisme.

1) La mathématique, ni la logique, ne démontrent rien = Le scepticisme.

Enjeu: que contient l’hypothèse qu’on ne démontre rien en mathématique?

« La mathématique est une étude dans laquelle on ne sait jamais de quoi on parle ni si ce que l’on dit est vrai. »

Cette expression de Russell (1872-1970) vise à provoquer les intuitionnistes, à les défier de conserver des certitudes absolues liées à la conscience, en montrant que les vérités qui étaient pour Platon ou Descartes des modèles de rationalité et d’universalité pourraient bien n’avoir qu’une valeur particulière. Ce que Platon ou Descartes tiennent pour des vérités de raison n’est-il pas qu’un ensemble particulier de faits, finalement conventionnels? Tout cela ne serait-il pas relatif à des points de vue subjectifs particuliers?

Si on formalise les mathématiques, cela signifie qu’on réduit les mathématiques à la logique, au sens d’une logique des concepts ou chaque signe aurait une place dans un système de concepts. Si l’on pouvait construire un système de concepts qui prouve qu’il est cohérent dans sa totalité et complet, on parviendrait à un savoir logique formalisé de type hilbertien, qui n’aurait rien de sceptique. Russell ne croit pas à un tel système, il considère que les bases de la logique ne sont que des conventions particulières, qui fonctionnent comme une langue ou comme un jeu, sans qu’il n’y ait universalité forte ni nécessité forte.

Réduire la mathématique à la logique formalisée, c’est ôter l’intuition. C’est donc dire qu’un système de logique ne parle pas de quelque chose, n’a pas de référent extérieur au discours qui serait donné, dans l’intuition.

On peut avec le même jeu de cartes jouer à la bataille ou à la belote, avec le même espace doté de cases blanches et noires poser des règles d’échecs ou de dames, on peut parler anglais ou espagnol, ce sont des pratiques particulières, des faits, qui ne doivent rien à l’intuition. Ce n’est pas l’intuition qui explique la différence entre le russe, le chinois ou l’arabe, mais l’inconscient des pratiques collectives dans des cerveaux compliqués. Ce n’est pas l’intuition qui fait que l’as est la carte la plus forte à la bataille mais pas à l’atout dans la belote…ces conventions peuvent s’expliquer par des orientations comportementales qui n’impliquent aucune conscience. D’ailleurs un ordinateur pourra battre un homme dans ces jeux, et pourra combiner un vocabulaire plus compliqué que ne le peut aucun cerveau humain, de surcroît avec une logique autrement infaillible. Ni les échecs ni les cartes ne doivent faire référence à un monde extérieur au jeu pour fonctionner, ce sont des règles sans référent hors du système.

Il en irait de même selon Russell pour la géométrie d’Euclide: elle ne serait qu’une manière de faire, qu’une manière de dire, qu’une pratique constructive ou qu’une pratique logique, mais elle n’aurait rien d’universel.

En effet, si on parle Euclidien, alors on dit que par un point pris hors d’une droite on ne peut mener qu’une seule parallèle à cette droite, mais si on parle riemannien on pourra dire que par un point pris hors d’une droite on ne peut mener aucune parallèle à cette droite, bref on pourra décider qu’il n’existe pas de droites parallèles. Lobatchevski pourra tout aussi bien dire qu’il existe une infinité de parallèles distinctes par un point pris hors d’une droite. Le plan euclidien serait qu’une façon de faire, ou de dire, mais rien de fondamental, on peut aussi opérer dans un espace à courbure positive (Riemann) ou dans une espace à courbure négative (Lobatchevski).

Il n’existe aucune preuve, aucune démonstration, capable de donner quelque primauté à la géométrie d’Euclide. Tous ces « espaces » sont aussi cohérents les uns que les autres: on peut y opérer sans jamais se contredire.

Cette idée s’est imposée majoritairement dans la culture, voici en lien un exemple d’article qui énonce que Euclide n’est qu’une géométrie parmi d’autres, et cet article est représentatif de ce qui est admis un peu partout (quoique je le conteste ici en réalité).

Voici le lien:  http://mathemac.free.fr/textes/lobachevski.pdf

Certes la géométrie d’Euclide est en apparence intuitive, on a l’impression de voir de quoi on parle et si ce qu’on dit est vrai, mais ce n’est qu’une impression psychologique d’évidence qui n’a rien de scientifique ni d’objectif, ce n’est que du subjectif relatif, comme tout subjectif d’ailleurs puisqu’il n’existe pas de subjectif en un autre sens, au sens transcendantal du terme par exemple, du moins c’est là la conviction de Russell.

D’où la citation, qui ne dit pas qu’on ne sait pas toujours de quoi on parle, car c’est vrai qu’on peine à voir ce que pourrait être Lobatchevski à 3 dimensions par exemple, mais qu’on ne sait jamais de quoi on parle. L’intuition n’est qu’un groupe d’habitudes psychologiques particulières confuses, rien de profond, rien de matriciel.

Voilà la thèse sceptique.

Le scepticisme n’étant pas un dogmatisme, il acceptera qu’on le critique, soit pour le délimiter, soit pour éprouver qu’il résiste à la critique, soit au contraire pour le réfuter. Le point sur lequel il est possible de discuter est celui concernant le statut de l’intuition, mais avec cette difficulté qu’il ne sera pas possible de prouver ni de démontrer en un certain sens, de manière formalisée, mécanique, contraignante pour tout interlocuteur, mais seulement de prouver ou démontrer dans un lien avec une intuition impossible à prouver puisqu’elle n’est pas discursive. Or le paradoxe est que pour démontrer, ne faut-il pas garder de l’intuition, de sorte que la vraie démonstration est celle qui ne démontre pas tout, tandis que celle qui prétendrait tout démontrer se supprime comme démonstration pour devenir une opération aveugle de calcul, un fait particulier sans valeur théorique?

Ceux qui comprennent ce qui se passe ici ont bien raison d’y voir un gouffre vertigineux, un évènement extraordinaire. Le présent essai tente de dire au moyen d’un mélange de parole et de concepts cet évènement qui serait le sujet pensant, assez extraordinaire pour qu’il soit légitime de lui reconnaître des droits inaliénables, imprescriptibles et sacrés, quoique de fait modérément reconnus et même fréquemment niés.

2) Contestation de la possibilité sceptique en trois temps.

On peut envisager trois voies d’argumentation pour contester le relativisme d’après lequel Euclide ne serait qu’une géométrie parmi d’autres:

La première consiste à dire qu’il peut exister plusieurs espaces riemanniens ou de Lobatchevski, de courbure variable, tandis qu’il n’existe qu’un seul espace euclidien. Le mot « espace » n’est-il pas employé de manière métaphorique le plus souvent, ou de façon impropre, comme s’il y avait plusieurs espaces, alors qu’il suffirait de parler de variétés à « n » dimensions, et de réserver le mot « espace » pour Euclide, qui est une variété bien spécifique. C’est d’ailleurs ce que font avec une grande rigueur bien des mathématiciens.

Lorsque nous concevons que le valet emporte l’as à l’atout, que la reine se déplace en diagonale et en ligne droite sur tout l’échiquier, lorsque nous appelons mesa ou tisch une table, nous pensons bien qu’il s’agit de conventions, mais que des parallèles soient parallèles à l’infini dans l’espace qui n’est qu’espace, cela semble absurde de n’y voir que des conventions. Il faudrait ajouter des contraintes logiques ou des contraintes physiques pour qu’elles se coupent, se dit-on. Mais l’espace étant intuitif, peut-on utiliser un théorème de récurrence? Pas davantage. Il faudrait dire par concepts ce qu’est la droite intuitive, ce qu’est le plus court chemin d’un point à un autre dans l’évidence de l’espace qui n’est qu’espace. Or les concepts sont aussi aveugles à cet espace et à ces évidences qu’un sourd né est aveugle aux sons.

Personne n’a jamais tenté de démontrer par l’absurde que la table devait s’appeler table ou mesa, or Lobatchevski a tenté de démontrer le postulat d’Euclide, n’est-ce pas le signe qu’il y a quelque chose dans cette affirmation qui se laisse difficilement réduire à une simple convention? N’existe-t-il pas une conviction de la vérité des droites parallèles à l’infini qui est la conscience même de l’espace et non une règle de jeu parmi d’autres?La vraie question est: l’individu conscient rencontre-t-il un absolu d’existence par le fait d’être conscient ou bien la conscience n’est-elle qu’une particularité? Ultimement c’est cette question qui devra s’éclairer d’elle-même.

La seconde consiste à démontrer que tout système de logique doit avoir un référent extérieur dont il parle, et que ce référent n’étant pas logique formalisable doit être donné dans une intuition: c’est ce à quoi mène finalement une bonne compréhension du théorème de Gödel qui ruine le formalisme. Dans ce cas, il est nécessaire que tout discours ait à un moment un rapport avec une donnée qui ne soit pas un discours: aucun système de logique ne pourrait alors se fermer sur soi et devenir autoréférent en ne contenant que des concepts.

La troisième consiste à montrer que toute démonstration est une démonstration de quelque chose, qu’elle porte sur un objet bien précis: on ne peut donc pas prétendre détruire Euclide par la fécondité de Riemann en physique dans la théorie de la relativité, parce que Euclide et Einstein ne parlent pas de la même chose: l’un parle de l’espace qui n’est qu’espace, l’autre parle des trajectoires des phénomènes dans un espace-temps qui inclut des contraintes physiques, bref l’un parle de l’espace, l’autre des phénomènes sensibles dans l’espace-temps. Une physique des phénomènes observables ne peut réfuter une métaphysique de l’espace. Pourquoi ne pourrait-il exister plusieurs big-bangs, qui seraient autant de mondes momentanément sans contacts physiques les uns sur les autres, et dans quel espace faudrait-il penser cette diversité? Dans quoi l’univers en expansion grandit-il? Qu’il soit physiquement pour lui-même tout l’espace à l’intérieur de lui-même n’empêche nullement de penser un cadre métaphysique contenant tout cela. Que signifie « physique » d’ailleurs?

Cette distinction entre un espace métaphysique euclidien et un espace physique pour l’instant totalement riemannien semblera d’abord d’une grande, déconcertante et décevante naïveté: comment ignorer que le Big-Bang génère son propre espace-temps et n’est pas dans un espace euclidien? Il est souvent pensé comme un infini au sens du concept d’infini, de ce qui n’a pas d’extérieur et génère son propre espace-temps. (D’où le fréquent discours: ne pensez pas le big-bang comme une explosion dans un espace préexistant, vous n’avez rien compris au big-bang, petit béotien!) Comment ne pas voir que l’espace pur n’existe pas et n’est rien et qu’il n’est connu que par les corps, si bien que c’est la physique qui nous renseignerait seule sur le véritable espace!

Mais ces objections vues et comprises ne suppriment pas la validité d’Euclide, loin de là, il faut dialoguer patiemment sans éconduire les questions avant tout examen. Une métaphysique de l’espace ne signifie pas qu’il soit antérieur aux corps physiques qui se montrent en lui et il faut bien réfléchir à la notion d’a priori qui n’est pas synonyme d’inné. Même si notre position philosophique ne sera pas vraiment kantienne sur le sens du concept d’expérience, tout ne sera pas rejeté de Kant, notamment l’idée que l’espace n’est pas un concept mais bien une intuition. Il est nécessaire de contester l’idée courante d’après laquelle les formes géométriques euclidiennes seraient l’idéalisation des solides, elles ont d’autres raisons, intuitives, de se construire comme elles se construisent, raisons qui ne sont pas des copies de la perception sensible des solides, mais plutôt une manière de mettre en translation le point. Il est clair que dans l’espace qui n’est qu’espace, il n’y a pas de temps, donc pas de quatrième dimension, et qu’une forme ne peut pas se déformer: elle est solide pour cette raison très simple. Sans temps, on est toujours un peu rigide et solide…, qu’il y ait ou non des rochers dans la perception matérielle n’y fait pas grand chose.

Enfin une perspective historique doit rappeler comment sont nées les GNE (Géométries Non Euclidiennes), de quel problème, et ce que signifie la distinction entre axiome et postulat chez Euclide, ce qui suppose aussi d’avoir une idée précise de ce qu’est l’intuition, surtout pour un grec de l’Antiquité.

Il faut même partir de là pour reprendre les questions dans l’ordre où l’humanité a pris conscience des problèmes.

3) Intuitionnisme et formalisme.

A) L’Antiquité.

Il n’existe pas vraiment de querelle de l’intuitionnisme et du formalisme dans l’Antiquité grecque parce que la logique et les maths sont des disciplines distinctes, qui ont chacune leur objet propre, lié à une intuition propre. On ne se demande donc pas si l’on peut réduire la mathématique à la logique et si la mathématique a un objet translogique, transconceptuel, qui serait visé par des notions, car on tient pour évident que la géométrie a un objet dont elle parle et qui, lui, n’est pas un discours.

a) La fondation de la logique par Aristote. (IV av. J.C.)

La logique formelle chez Aristote est une discipline qui a pour objet le recensement des formes du raisonnement formellement correct. Aristote, qui est empiriste concernant le contenu de la connaissance, et même concernant les formes particulières, la diversité, admet que le syllogisme a sans doute pour ce qui est de sa matière une origine sensible, donc des intuitions sensibles, mais la logique consiste justement à faire abstraction de cette matière pour ne garder que la forme raisonnable du discours, dont on a une intuition intellectuelle.

Socrate est un homme, tout homme est mortel, donc Socrate est mortel, revient à déduire, à partir de deux hypothèses formelles, une conclusion formelle parfaitement certaine: Si S est h et si tout h est m alors S est m.

La logique on le voit a un objet qui est la forme du discours, et non un objet qui serait en dehors du discours, elle ne s’intéresse aucunement à un éventuel référent extralinguistique qui serait donné dans l’intuition sensible. En logique aristotélicienne, l’intuition intellectuelle reste à l’intérieur d’opérations discursives propres à la pensée conceptuelle sans se tourner vers le donné extérieur au discours qui n’est que l’intuition sensible et dont la logique ne se soucie pas puisqu’elle fait abstraction de la matière. (Aristote ne nie donc pas l’intuition en logique, il n’est pas formaliste à la manière de Leibniz et surtout pas de Hilbert.)

b) La géométrie d’Euclide.

Lorsque Euclide décide au IIIième avant J.C. de classifier par ordre la totalité des connaissances mathématiques de son temps, il ne procède pas du tout comme Aristote. Il comprend sa discipline comme ayant un objet qui est donné dans l’intuition, un objet qui a son évidence propre. Son oeuvre, Les éléments, comporte deux tomes: Tome I: Géométrie, qui a pour objet l’évidence intellectuelle de l’espace (et non un espace matériel pour l’intuition sensible) Tome II: l’arithmétique, qui a pour objet l’évidence intellectuelle du nombre. (Non assimilable à l’époque à un discours d’ordre deux, même Frege au XIX° n’en a pas l’idée.) [C’est Descartes qui fera la synthèse de la géométrie et de l’arithmétique avec sa géométrie analytique qui permet, grâce à l’algèbre, d’exprimer des formules avec abscisses et ordonnées qu’on peut tracer dans l’espace.]

La géométrie pour Euclide parle de quelque chose, elle est la science de l’espace. Or l’espace n’est pas du tout un discours pour Euclide, mais quelque chose qui est en dehors du discours, et qu’on voit clairement. De même l’arithmétique parle du nombre, qui lui aussi a une réalité objective indépendamment de tout procédé d’écriture ou de discours logique. Qu’on les écrive en base deux ou dix, les nombres demeurent dans les mêmes proportions les uns par rapport aux autres, parce qu’ils sont comme des cailloux, des unités en dehors du discours, des entiers naturels…On décrit des opérations qui peuvent se faire sans parler, comme ajouter, retirer, casser, multiplier…Bref on parle de quelque chose, d’un référent extralinguistique. Un caillou qui est dehors, si on le met dans la boîte, on l’ajoute, ce n’est pas un discours mais une opération.

La preuve que pour Euclide la géométrie parle de quelque chose qui est en dehors du discours, c’est que pour lui, il existe deux sortes d’indémontrables, dont les uns sont ce qui donne valeur à tout le reste, les axiomes, tandis que les autres sont un vrai problème, très embarrassant, les postulats.

L’axiome est un indémontrable évident. Pas besoin de passer par le détour du discours pour voir avec évidence que 1, c’est lui-même. De même, il est évident pour Euclide que le plus court chemin d’un point à un autre, c’est la ligne droite, et que toute autre trajectoire sera plus longue. De même la grandeur extensive de l’espace suppose qu’on voie que le tout est plus grand que la partie, par exemple un rectangle est plus grand que les deux triangles rectangles qu’il contient.

L’axiome donne à tout le reste une valeur de certitude forte parce que démontrer c’est passer d’énoncés compliqués à la simplicité de l’axiome absolument certain. Qu’on ne puisse démontrer l’axiome n’est donc pas un problème ni une raison de douter de sa vérité.

Par contre le postulat pose problème car ce qui n’est ni évident ni démontrable, comment pourrait-il être estimé vrai au sens d’un savoir certain? L’existence de postulats est donc un problème embarrassant dans une discipline théorique.

[Axios: valeur, l’axiologie est la réflexion sur les valeurs. L’axiome donne valeur de vérité à tout le reste par son évidence indubitable. Démontrer c’est donc ramener le non évident à l’évident pour Euclide.

Postulat: demande.]

S’il y a des postulats et des axiomes, c’est peut-être parce que parler c’est parler de quelque chose à quelqu’un, et pas seulement parce que le postulat serait incertain. Il s’agit peut-être là de la nécessité d’une distance qui se trouve aussi être enraciné dans un logos qui est relation à autrui. Si tel était, alors le sens de l’ensemble serait fortement modifié!

Euclide estime que le parallélisme des droites à l’infini n’est pas intuitif, mais il faut se souvenir que pour un grec antique, l’intuition est une théoria, une vue immobile et finie, qui doit contenir et surplomber son objet. S’il pensait que l’intuition est ouverture sur l’infinie et qu’elle est inséparable d’un logos qui est relation à un autre, bref s’il pensait extatique et risquée la pensée, il n’aurait peut-être pas dit que le parallélisme à l’infini des droites non sécantes n’avait rien d’intuitif et n’était qu’une demande complètement étrangère à toute intuition.

B)La querelle moderne de l’intuitionnisme et du formalisme.

Ce sera d’ailleurs pour résoudre ce problème embarrassant que Lobatchevski tentera en 1826 de démontrer par l’absurde le postulat d’Euclide dans sa version reformulée par Playfair au XVIII° je crois… Mais avant de voir cette date de naissance des géométries non euclidiennes, il faut comprendre ce qu’est la querelle entre Leibniz et les cartésiens. Les cartésiens sont intuitionnistes, Leibniz est formaliste. Les cartésiens croient qu’il n’y a de pensée que consciente, les leibniziens considèrent que la conscience n’est rien d’autre qu’une certaine quantité d’inconscient. Ils n’ont donc pas la même théorie de la démonstration. Il est remarquable que leurs théories de la démonstration divergent autant que le Dieu de Descartes, géomètre, diverge du Dieu de Leibniz, logicien. C’est leur théorie de la pensée et du divin qui sont assez différentes.

La conscience chez Descartes est l’essence de la pensée, laquelle ne peut être conçue sans conscience car toute conception intellectuelle doit être consciente, sans conscience elle serait infra intellectuelle et ne serait pas une conception qui définit l’essence. Par contre chez Leibniz la pensée a une structure, un ordre, qui est le même qu’on en ait ou non conscience: c’est l’ordre logique qui est l’essence de la pensée. La conscience chez Leibniz n’est que la conscience psychologique, c’est une certaine quantité d’inconscient, qui n’est donc pas essentielle à la pensée. Lorsque mon réveil sonne, je perçois d’abord inconsciemment la sonnerie pendant le premier millionnième de seconde, puis je la perçois de plus en plus forte dans les millionnièmes de seconde suivants, puis ma perception de millionnième en millionnième monte en intensité jusqu’à ce qu’elle franchisse qualitativement le seuil de la conscience, et là je commence à entendre la sonnerie et à me réveiller, même si ce premier degré de conscience est encore un peu confus…L’unité synthétique originaire qui pour Descartes est conscience est l’unité dynamique et la cohérence du système logique total, il existe donc plusieurs facettes de l’unité synthétique de la pensée qui peuvent être envisagées de manière fortement distincte au point de vouloir les séparer: Descartes sépare la conscience de toute logique, Leibniz sépare la logique de toute conscience.

En résumé, la démonstration concerne la pensée rationnelle, donc la pensée en tant qu’unité synthétique et raison. Or qu’est-ce que la pensée et qu’est-ce que la raison? La synthèse est-elle une opération logique ou un acte de conscience? Si la pensée c’est seulement la conscience, alors l’intuition est une connaissance, mais si la pensée c’est autre chose que la conscience, alors l’intuition ne sera pas une connaissance. Et si la pensée n’est qu’en partie la conscience, alors la connaissance ne sera qu’en partie intuitive, l’intuition ne sera qu’une partie de la démonstration. On ne pourra pas la supprimer, car sans conscience la démonstration non seulement ne démontrera pas quelque chose mais ne sera qu’un fait particulier aveugle, on ne pourra pas non plus supprimer la démonstration au profit d’une intuition car celle-ci sera confuse, incertaine, comme un sentiment instable.

Résumé:Ou bien la conscience est nécessaire à la pensée rationnelle, et suffisante, là on est dans l’intuitionnisme cartésien, ou bien la conscience est nécessaire à la pensée rationnelle mais pas suffisante, et là il faudra dire ce qui lui manque pour être complètement la pensée, ou bien la conscience n’est ni suffisante ni même nécessaire, et là on est dans le formalisme.

a) L’intuitionnisme cartésien. (Descartes: 1596-1650)

Pour Descartes, non seulement toute pensée est consciente, (« Par ce mot de penser j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-même. ») mais à tout élément du discours mathématique, on doit pouvoir fournir l’intuition correspondante. En fait Descartes est parvenu, grâce à l’algèbre des arabes, à faire la synthèse entre la géométrie et l’arithmétique et donc à dire par des équations comment tracer des figures dans l’espace, avec coordonnées en abscisses et en ordonnées.

Or tout peut se rattacher à l’étendue, qui est l’objet de la science mathématique.

La démonstration consiste à analyser et décomposer des totalités trop vastes pour notre intuition limitée, de façon à voir comment elles se rattachent à nos intuitions limitées. Notre intuition est bornée en général à cinq unités, voire quatre, même si certaines personnes peuvent percevoir six  d’un seul coup d’oeil sans passer par la technique discursive qui consiste à calculer deux paquets de trois préalablement disposés.

Dieu, qui lui est doté d’une intuition infinie, peut voir d’un seul coup d’oeil la différence entre mille milliards de points et mille milliards de points plus un. Si je fais un million de points à la craie sur le tableau de droite, et un million un points sur le tableau de gauche, et qu’un élève d’un seul regard montre le droit et me dit: « il en manque un », je pense qu’il peut tenter un cursus mathématique d’un assez bon niveau.

Avec l’intuition divine à la Descartes, pour l’agrégation de mathématiques, vous percevez la totalité des questions instantanément, et simultanément les réponses, il faut juste le temps de les écrire sur quelques dizaines de copies doubles et c’est fini… ( Leibniz penserait plutôt à un calcul opéré à une vitesse infinie, le résultat est le même, mais il y a méthode, alors que Descartes considère que méthode, logique, discursivité ne sont aucunement constitutifs de la pensée et sont seulement des techniques pour pallier les limites de notre intuition.)

Même « pi » a une signification intuitive: on voit bien que dans l’espace, il se situe entre 3,14 et 3,15, et chaque fois qu’on ajoute des décimales, on peut préciser l’encadrement, on voit bien de quoi on parle et si ce qu’on dit est vrai. Donc pour Descartes la géométrie est une science dans laquelle on voit de quoi on parle et si ce qu’on dit est vrai, et lorsqu’on ne voit pas on utilise des techniques de classification, d’analyse, des détours discursifs qu’on appelle la logique et qui permet de diviser la difficulté à la mesure de notre intuition limitée.

Résumé: L’intuitionnisme cartésien veut dire qu’à chaque morceau du discours du mathématicien, on peut faire correspondre un objet localisable dans l’étendue. Etre conscient, c’est connaître, l’intuition est une connaissance, savoir c’est voir au sens de l’intuition intellectuelle, de la conscience qui finalement est divine de sa nature ou habitée par Dieu intuition. Descartes ne dit pas seulement que l’intuition est nécessaire pour la connaissance, il dit qu’elle est nécessaire et suffisante, il est donc intuitionniste.

De plus la conscience chez Descartes semble pouvoir se transcender car elle est une substance immatérielle et pourtant elle peut penser des substances matérielles qui lui sont extérieures, la pensée pense la matière, ce qui est logiquement impossible, ni Aristote, ni Leibniz ne l’ont admis en raison de leur refus de faire des concessions avec le principe de contradiction logique. La monade leibnizienne ne se transcende pas pour aller penser une matière située hors d’elle, elle produit ses perceptions par une force ordonnée, tel un automate spirituel, automaton spirituale, expression dans laquelle Descartes verrait lui une contradiction (si l’on est automate, on n’est pas spirituel, si on est spirituel, on n’est pas automate, dirait Descartes, sauf mélange impossible et surnaturel à l’initiative arbitraire de l’infini…)

b) Le formalisme leibnizien. (Leibniz: 1646-1716)

Leibniz a perfectionné l’exploration d’un domaine mathématique inconnu à l’époque de Descartes, les imaginaires, ou nombres complexes. Alors que Descartes s’arrêtait aux réels. C’est le fameux « racine carré de moins un », ou i2= -1.

Descartes étant mort en 1650, ce sont les cartésiens que Leibniz défie ainsi: à quel objet « i » correspond-il dans l’étendue, montrez-moi donc! Quelle intuition avez-vous de « i » comme inconnu ou imaginaire? Si i=1 alors i au carré fera 1, et si i=-1, alors i au carré fera toujours 1. Il n’y a donc pas de solution dans les réels.

Aucun objet intuitif ne correspond à i, niez-vous qu’il s’agisse d’une pensée? Serait-ce selon vous quelque démangeaison? Elle permet étrangement de résoudre des équations à 3 ou 4 inconnues que vous ne sauriez résoudre avec toutes vos méthodes rattachables à une intuition…Silence des cartésiens lorsque Leibniz leur demande ce qu’ils voient lorsqu’ils pensent « i ».

Des pensées sans objet, comme « i », sont des pensées aveugles, des « cogitationes caecas », qui peuvent survenir via l’inconscient.

Là où Descartes démontrait Dieu en indiquant une présence, intuitivement ouverte, d’un infini qui me dépasse et me révèle une aptitude à me dépasser dont je ne saurais rendre raison parce que je suis fini, Leibniz démontre Dieu par la logique, comme conclusion d’un syllogisme. D’ailleurs Leibniz démontre tout. La philosophie se réduit pour lui à deux questions seulement.

La première: pourquoi y a-t-il quelque chose et pas rien?

La seconde: Pourquoi ainsi et pas autrement?

En effet, ces deux questions réglées, on a bien avancé.

Réponse à la question 1: Parce que Dieu.

Réponse à la question 2: Parce qu’il n’existe qu’un seul meilleur des mondes possibles, le meilleur. Les autres, seulement possibles, sont restés possibles sans passer au réel, parce qu’ils n’étaient pas les meilleurs.

C’est quoi, meilleur? Le plus riche sans contradiction.

Dieu pense l’infinité des mondes possibles, et donne l’existence au meilleur, le plus riche sans contradiction.

Commençons par penser ce qu’est un monde possible, avant de dire lequel est le meilleur des mondes possibles. Un monde possible est un monde sans contradiction.

Il n’existe donc pas de monde où les cercles sont carrés. Il n’existe pas non plus de monde exactement en tous points semblable au nôtre mais dans lequel un éléphant de 5 tonnes pourrait courir à 40 km/h alors qu’il a dans la poitrine un coeur de moineau. Il n’est pas possible à un homme de voler par ses seules forces corporelles, encore moins d’aller sur la lune et d’y faire un footing avant de plonger dans le pacifique. Des lapins ne peuvent s’accoupler et concevoir un dauphin.

Il n’existe pas non plus un monde possible où une âme immatérielle pourrait être unie à un corps matériel. Il n’y a donc pas des objets matériels en bois, en fer ou en plastique qui pourraient entrer dans le champ d’une conscience: la pensée ne pense pas la matière. Pour éviter cette contradiction il faut dire que la pensée pense des pensées, elle produit ses propres représentations, au moyen d’une activité interne cohérente, logique. Chaque pensée est donc un automate spirituel, un automaton spirituale.

Parmi donc les mondes possibles, l’un est meilleur, le plus riche en diversité, sans contradiction. Qui le pense? L’Etre nécessaire, qui ne peut pas ne pas exister, Dieu.

Dieu pense le meilleur des mondes possibles. Comment le pense-t-il? Consciemment, non pas parce que la conscience serait importante, mais parce que la conscience est une certaine quantité d’inconscient et que Dieu a dans tous les domaines dépassé le seuil quantitatif de la conscience. (J’ai bien conscience que cet énoncé pose quelques difficultés…peut-être Leibniz ne devrait-il pas penser Dieu conscient? Il semble pourtant qu’il le fasse, parce que Dieu étant parfait il possède toutes les perfections.) La forme logique du meilleur des mondes n’est en rien affectée par le fait qu’elle soit pensée consciemment ou non. De même Dieu existe nécessairement pour des raisons de concept et pas pour des raisons mystico-existentielles, l’infinité divine semble être le concept logique de totalité, correspondant à la définition logique du concept d’infini: ce qui n’a pas d’extérieur, définition encore vivace chez Hegel au XIX° siècle.

Dieu pense consciemment toutes les articulations logiques du meilleur des mondes possibles et pense de même l’infinité des mondes possibles (s’agit-il ici d’un infini en acte? serait-ce logique?) Dieu substance est une monade, il produit donc en lui-même sans sortir de soi la représentation mentale totalement consciente de ce meilleur des mondes.

Mais on peut enrichir ce meilleur des mondes en pensant la totalité des points de vue possibles sur ce meilleur des mondes, et en le montrant selon divers degrés de conscience et selon diverses positions dans l’espace ainsi que diverses positions dans le temps.

Car l’espace se définit ainsi: l’espace est l’ordre des simultanés (= concept d’espace), le temps est l’ordre des successifs (= concept de temps) et en combinant tous les degrés de conscience et les points de vue selon l’espace et selon le temps, on obtient un meilleur des mondes bigrement complexe. [Ces définitions conceptuelles sont seulement différentielles, car comment générer l’espace ou le temps par des concepts?]

La pensée du meilleur des mondes possibles se trouve contenir par exemple un milliard puissance un milliard d’articulations logiques discernables. Elle peut être totalement conscience et c’est le point de vue divin sur le meilleur des mondes. Il suffit de faire qu’une seule de ces articulations ne soit pas parfaitement élucidée intellectuellement et là on a un ange quasi indiscernable de Dieu, mais avec un début de sensibilité. Un milliard puissance un milliard de tels anges sont pensables également quasi divins.

Mettons deux articulations logiques pas parfaitement élucidées dans la pensée du meilleur des mondes et nous avons un nouveau factoriel d’anges un plus plus éloignés de Dieu, qui sont autant de monades.

Continuons ainsi pendant plusieurs milliards de milliards de milliards d’années, et nous allons penser un degré d’ange qui s’éloigne plus significativement de Dieu, puis après d’autres milliards de millénaires nous allons vers un homme hyperlucide, qui a élucidé un tout petit peu du meilleur des mondes possibles et qui pense tout le reste de manière totalement confuse, avec des degrés de conscience psychologique de plus en plus faibles. Enfin on arrive au ver de terre  qui pense tout de manière confuse, ou au gravier qui serait une monade qui pense tout de manière hyperconfuse.

Résumé: Il existe une nécessité logique universelle qui concerne des concepts et qui fait que le monde est comme il est parce qu’il a une raison d’être ainsi et non autrement. Cette raison objective ne peut pas dépendre d’un facteur aussi « subjectif » et confus, flou, que la conscience. Leibniz résume sa pensée concernant l’intuitionnisme cartésien par cette jolie et fort claire citation de grand pédagogue qu’il est:

« Monsieur Descartes a logé la vérité à l’hôtel de l’intuition, mais il a oublié de nous en donner l’adresse. »

Bref tout a une raison, une adresse, une place dans un ordre logique, et c’est par le concept et l’intellection qu’on conçoit cet ordre. Ce qui est sans adresse ne peut être que singulier, inconcevable, presque rien pour Leibniz. Presque rien…comme serait l’altérité?

Les sensations sont pour Leibniz non pas des expériences qui arrivent à un corps qui ne serait pas de la pensée et qui rencontrerait une matière qui n’est pas de la pensée, les sensations sont pour Leibniz des intellections confuses. D’où son idéalisme: il n’y a en réalité que des pensées, plus ou moins élucidées intellectuellement ou plus ou moins confuses, qui lorsqu’elles sont très confuses deviennent des sensations accompagnées de conscience psychologique voire des sensations faiblement conscientes ou pas du tout conscientes. Il existe donc une information non consciente qui est la pensée, la substance même du réel. Les « sensations » sont en réalité des intellections confuses: tapez sur une feuille trois cents fois au hasard, laissez-moi trois jours et je vous fais l’équation qui passe par chacun de ces points, dans l’ordre où vous les avez posé, aurait dit Leibniz à un correspondant. Un morceau de matière doit correspondre à de l’information disposée d’une certaine façon et liée à une force qui n’est pas la matière au sens des atomistes, ni la matière au sens d’un chaos totalement indéfinissable.

La pensée est donc essentiellement une force qui combine et accessoirement consciente, sitôt franchi un certain seul de distinction. Elle peut devenir intellection claire lorsqu’elle distingue ce qu’il convient de distinguer.

Pour contrer Leibniz il faut par exemple montrer que les sensations ne sont pas des pensées confuses mais sont autre chose que des pensées. On peut dire que Kant a été longtemps formaliste et leibnizien, qu’il en a d’ailleurs gardé beaucoup, mais qu’il a cessé de l’être, spécialement lorsqu’il a compris que par des moyens logiques on ne pouvait discerner le gant gauche du gant droit, et que pourtant le gant gauche ne va pas à la main droite ni le gant droit à la main gauche, ne qui l’a amené à penser que l’espace est une intuition, non un concept. Là commence à être pensée la distinction entre la notion d’espace, la notion de grandeur extensive intuitive, et le concept d’espace qui présuppose toujours cette perception intuitive sans la générer. C’est plus net avec le temps: l’ordre des successifs, quelle bonne blague, ne faut-il pas déjà savoir ce que signifie « successif » pour comprendre ce qu’est le temps? Pire, le successif ne contient même pas mention claire et non ambiguë de l’irréversibilité. Cette définition du temps est donc une définition différentielle, pas une définition génétique. Or c’est dans l’inconscient qu’il n’y a que des différences, tandis que l’identité sans conscience pose problème.

(Lorsque Saussure au début de son cours de linguistique générale vers 1910 définit la langue comme une forme non consciente qui ne contient que des concepts, il en fait un objet connaissable et énonce: « Dans la langue il n’y a que des différences. » [souligné par lui.] Le cerveau fait fonctionner la langue et l’enregistre par des processus non conscients, dans une collectivité linguistique.)

Enfin il faudra voir si on peut démontrer Dieu en disant comme le fait Leibniz que le concept d’existence est nécessairement contenu dans le concept de perfection contenu dans le concept de Dieu: si on formalise à l’excès on risque de rater l’existence. Kant dit à juste titre que l’existence n’est pas un concept. Cela prouve que la preuve formaliste, par concepts, de Leibniz n’est pas valide. Ou bien aucune preuve de Dieu n’est valide, ou bien la preuve de l’existence de Dieu n’est pas simplement logique conceptuelle formelle. La logique elle-même est-elle logique conceptuelle formelle? Il faudra le demander à Gödel. Il se pourrait que cette logique là ne soit pas la logique et ne soit pas autoréflexive, pas autoréférente.

Nous verrons aussi qu’en toute rigueur le formalisme de Leibniz et la Logique dialectique de Hegel ne sont pas complètement anéanties par la démonstration de Gödel car celle-ci anéantit plus précisément le formalisme hilbertien qui est beaucoup plus formaté que celui de Leibniz. Le formalisme leibnizien concerne des substances métaphysiques qui, du point de vue de la logique formelle de Hilbert, seraient de la matière. Dieu, substance totale, est une force qui produit des représentations dans un ordre logique, pas un système seulement formel au sens contemporain du terme. Quoique génial, Leibniz n’a sans doute pas mesuré à quel point son formalisme était incomplètement formel, il n’est un formalisme que comparativement à l’intuitionnisme cartésien, mais il garde une part de consentement à du réel non formalisé. Il n’a pas pris la mesure de cela malgré son génie parce qu’il n’a pas pris la mesure de l’écart entre une intellection confuse, une sensation et une émotion.

c) Les progrès du formalisme et l’apparition des géométries non euclidiennes.

La suite de l’histoire, surtout au XIX° siècle, va donner plutôt raison à Leibniz contre l’intuitionnisme cartésien.

c1) Les GNE.

Les Géométries non-euclidiennes sont apparues en raison du problème posé par les postulats: si on ne peut démontrer le postulat d’Euclide et s’il n’est pas évident, alors que toute la théorie de l’espace à deux dimensions comme étant le plan en dépend, alors il y a un problème puisque le caractère plan de l’espace 2D ne serait qu’une croyance, pas un savoir, pas une certitude théorique ayant valeur de vérité de raison. (Or j’avoue soutenir aujourd’hui encore cette thèse, malgré Einstein et malgré toute la fécondité des variétés non euclidiennes à n dimensions…)

Lobatchevski est persuadé que les droites sont parallèles à l’infini et qu’il ne s’agit pas d’une convention particulière comme dans un jeu de cartes, une langue ou tout jeu de société susceptibles de former à un moment une totalité fermée. Il veut donc démontrer ce postulat afin de le transformer en théorème, ce qui sauverait la mathématique du danger d’être considérée par des sceptiques comme une discipline sans valeur de vérité fortement universelle, apodictique.

Pour démontrer on ne peut pas s’appuyer sur une intuition seule puisqu’une démonstration est une opération discursive qui ne peut opérer que sur un discours. Aussi Lobatchevski part-il du discours que tient Euclide ou plutôt Playfair sur les droites dans le plan. Ce discours, il va lui imposer une modification logique absurde, dans le but d’arriver à une contradiction, et c’est ce à quoi il s’attend.

Or en faisant l’hypothèse que par un point pris hors d’une droite on peut mener une infinité de parallèles à cette droite, (mener ici est comme un geste, un faire) il déduit des conséquences, sans voir venir la contradiction attendue. Il poursuit ses déductions et ses calculs, toujours pas de contradiction. Au fur et à mesure que son projet de démonstration par l’absurde tarde à aboutir, il prend peu à peu conscience qu’il est en train de construire une nouvelle variété, un nouvel ensemble de trajectoires possibles à deux dimensions, qui correspond à une variété à courbure négative dans laquelle la somme des angles d’un triangle est inférieure à 180°. Par commodité, on se met à parler d’espace à courbure négative, comme si c’était un autre espace que celui d’Euclide qui serait une alternative, faisant de celui d’Euclide une particularité parmi d’autres possibles, une option facultative.

Lobatchevski aurait pu tenter une autre voie de démonstration par l’absurde, il aurait pu dire: par un point pris hors d’une droite on ne peut mener aucune parallèle à cette droite, il aurait alors exploré la variété à courbure positive que Riemann développe vers 1857, dans laquelle il n’existe pas de droite parallèle, dans laquelle les droites sont toutes sécantes.

Puisqu’on raisonne à partir d’un discours et qu’on lui impose une contrainte logique, une modification discursive, on construit alors quelque chose qui a son ordre et ses articulations indépendamment de toute intuition et même de toute conscience si les calculs sont des opérations basées sur des règles écrites et instituées. Ce sont des systèmes logiques qui n’ont aucune contradiction, on passe donc d’un système (Euclide) à un autre (Riemann ou Lobatchevski) sans rencontrer de contradiction: bref le projet de démonstration par l’absurde échoue.

Mais ce qu’on construit alors, sont-ce d’autres espaces au sens propre, ou d’autres variétés auxquelles on pourra métaphoriquement donner le nom d’espace parce qu’elles ont dans le modèle les mêmes propriétés que l’espace: réversibilité et extériorité des discernables de base? Métaphysiquement et en réalité, ne se sert-on pas de l’espace euclidien complété d’autres dimensions théorisées sur le modèle de l’espace pour penser et même pour pouvoir construire ces soi-disant « espaces » qui sont en réalité des variétés?

(J’en suis pour ma part si convaincu, pour des raisons de clarté d’intuition, que je sais qu’un jour la physique riemannienne d’Einstein sera partialisée et intégrée à une globalité plus vaste, et ce ne sont pas des neutrinos coupables d’excès de vitesse entre Zurich et Rome qui feront relativiser la relativité d’Einstein, mais d’autres difficultés, plutôt liées à l’inséparabilité des particules et autres expériences physiques non encore effectuées mais prévisibles. La pensée du temps comme quatrième dimension dans un continuum espace-temps n’est pas davantage satisfaisante. C’est pourquoi Bergson, maladroitement et sans l’outillage conceptuel suffisant, a tenté sans succès de contester Einstein, et semble bien perdre complètement la partie, comme Descartes semble perdre complètement contre Leibniz, mais la fausseté de l’intuitionnisme ne supprime pas la nécessité et la singularité de l’intuition, qui n’est pas réductible à une particularité parmi d’autres, ce que Heidegger a fort bien compris même si bien des points chez lui sont contestables, il a cette lumière là comme guide infaillible et indémodable.)

Les géométries non euclidiennes se moquent bien d’être ou non intuitives, et renforcent le crédit du formalisme, donc d’une pensée leibnizienne, mais dans un contexte de positivisme et de relativisme, ce formalisme va prendre la direction ou bien du scepticisme russellien, ou bien du mécanisme hilbertien, par lequel on pourrait fabriquer un appareil qui serait la raison.

c2) Les progrès du formalisme.

Frege à la fin du XIX° et au début du XX° formalise les entiers naturels, soutenant par là l’idée que l’intuition ne suffit pas à dire le nombre, donc accréditant Leibniz contre Descartes.  J’ai montré dans un crochet un peu plus bas ce que signifie la formalisation des entiers par Frege: avec le concept de particulier (il existe, un E à l’envers appelé quantificateur existentiel, quoique très éloigné de tout existentialisme!) et le concept de totalité (un A renversé, pour que ce soit moins intuitif peut-être? ou quantificateur universel, quoiqu’il s’agisse d’un nombre, fini ou infini, de particularités sans contre-exemple dans le système total et non d’un universel métaphysique) on peut dire les articulations du nombre. Le rêve de Hilbert était de trouver la séquence logique capable de générer la distinction de l’universel et du particulier de sorte qu’elle soit totale, complète, cohérente, fermée sur soi.)

4) Le sens du théorème de Gödel, et le sens de ce qu’il ruine, le rêve de Hilbert.

Hilbert a bien compris que Gödel avait anéanti son projet, en introduisant dans le système hilbertien des propositions indécidables. Ce qu’il faut comprendre pour posséder les enjeux, c’est ce que voulait faire Hilbert et ce que Gödel démontre.

Hilbert voulait clore le système, Gödel démontre que tout système est ouvert, et que l’autoréférence est liée à l’ouverture. Mais ouvert est ambigu et s’entend en plusieurs sens, qui sont liés depuis Aristote, puisque déjà dans la partie conceptuelle de sa pensée, Aristote assimilait la matière à l’indéfini et à l’infini conçu négativement, ce qui laissait ouverte cette troisième possibilité qu’est le passage de la puissance à l’acte qui est le temps chez Aristote. Temps, matière, infini sont liés chez Aristote parce qu’ils sont trois modes de l’imperfection et de ce qui n’existe pas vraiment. (Presque rien, du virtuel, du possible…) Mais on pourrait aussi considérer que temps, matière au sens d’un indéfini qui nous affecte et infini sont trois modalités de présence de l’altérité, qu’on retrouve en maths dans le postulat, demande faite à autrui,  qui justement concerne le parallélisme à l’infini des droites. Ouvert est ambigu parce qu’il peut être ouverture spatiale, comme une fenêtre, donc ouverture pensée à partir d’un espace et dans un espace, ouverture qui fait passer d’un lieu de l’espace à un autre lieu de l’espace, qui lui est extérieur, mais ouvert peut signifier l’acte de se transcender pour viser un autre dans la distance, au sens d’une relation d’altérité, ce qui désigne une tout autre ouverture, autrement déconcertante, qu’on ne peut figurer par aucune image. C’est cette ouverture là qui vient perturber tous les absolutismes figés, et non le fait d’un relativisme dans lequel tout se vaut…

 

a) Que veut faire Hilbert?

Hilbert est un chercheur de vérité, il ne veut pas d’une mystérieuse conscience qui viendrait introduire de la singularité ou de l’altérité au coeur même de la connaissance, il veut une connaissance maîtrisée, il croit que ce n’est qu’ainsi que la science sera clairement science.

Il se dit que la raison est une question d’ordre et de logique, pas une question de mystique. Il se dit qu’il doit y avoir un nombre fini et fermé de raisons qui font qu’un homme pense ce qu’il pense avec la certitude formelle qui est celle des raisonnements logiques. Il est partisan d’une réduction de la raison à la logique et de la logique à un calcul. Il doit donc exister une forme finie complète et totale qui est la raison, l’autonomie de la raison. Cette forme logique doit pouvoir être matérialisée sous forme d’atomes matériels qui disposés dans un certain ordre doivent être la pensée. L’évolution des espèces a produit, sans conscience, par essais et erreurs, cet ordre, et un travail méticuleux, méthodique de logicien, doit permettre de trouver cet ordre et de concevoir clairement ce qu’est la raison. Bref il doit exister une démonstration qui dit tout ce qu’il faut pour se faire fonctionner elle-même, prouver qu’elle est une démonstration, et qui doit former un système contenant à l’intérieur de lui-même la preuve qu’il est complet et la preuve qu’il est cohérent dans sa totalité.

Les enjeux sont donc métaphysiques, car si Hilbert avait réussi, il aurait prouvé qu’on peut vivre et penser sans métaphysique, celle-ci n’aurait été conservée que comme une aspiration irrationnelle étrangère à la science. (Le succès de Gödel par contre ne prouve pas la vérité de la métaphysique ou de la mystique, deux choses différentes, mais prouve seulement qu’elles sont possibles.)

b) Qu’apporte Gödel?

Gödel démontre qu’on ne peut pas réduire la mathématique à la logique, ou pas à cette logique que les formalistes tiennent pour la logique.

Ce que prouve Gödel, c’est qu’un ordinateur qui serait fabriqué par des hommes ne peut pas être la raison, ni penser des vérités de raison, ce qui sinon serait une véritable intelligence artificielle. Plus exactement, ce que prouve précisément Gödel, c’est que si un ordinateur fabriqué par des hommes se mettait à penser, ce serait pour des raisons non pas purement formelles, mais aussi matérielles, bref que des conditions purement formelles au sens de la formalisation en logique, sans ouverture du système, sont insuffisantes pour fabriquer de la démonstration.

Si Hilbert avait réussi, son système de logique aurait pu être matérialisé à titre d’illustration particulière de la théorie logique de sorte qu’il se serait mis à penser individuellement pour des raisons formelles, peu importe le matériau individuel qui lui sert de support. Ce que montre Gödel, c’est qu’un système artificiel qui se mettrait à penser serait non pas vraiment artificiel, mais tirerait profit de ce qu’est naturellement la matière du fait qu’elle existe: par exemple un ordinateur qui opérerait la synthèse du temps serait-il encore un objet? Y a-t-il un programme logique pour cela? De même un ordinateur dont le corps individuel serait traversé par Dieu infini est-il l’objet qu’a construit le concepteur du logiciel? Qu’y a-t-il dans la matière? Une théorie formalisée de la matière peut-elle dire ce qu’est en réalité la matière? De même que le Dr Frankenstein se sert d’un éclair venu du ciel, symbolisant un divin qui outrepasse les techniques qu’il maîtrise, pour animer sa créature rabibochée de morceaux épars d’abord extérieurs les uns aux autres, créature sans nom, de même un concepteur qui verrait son logiciel devenir I robot pourrait comprendre grâce à Gödel qu’il y a quelque chose dans son ordinateur qu’il n’y avait pas mis lui-même en tant que logicien formaliste…

Bref il y a du singulier dans tout système de logique. Aucun système formalisé n’est autoréflexif, or nous sommes autoréflexifs, donc il y a quelque chose en nous qui n’est pas seulement formel.

Un système de logique opère sur des concepts qui sont définis sans ambiguïté et qui sont liés par des règles non ambiguës qu’on doit pouvoir faire fonctionner mécaniquement et sans conscience.

[Ce qui suit entre crochets concerne ce qu’est une formalisation, vous pouvez sauter si cela vous ennuie.]

[C’est ainsi que Frege a pu, au XIX°, formaliser les entiers naturels.

(J’explique rapidement: au lieu de se servir de son intuition et de dire que zéro est un ensemble vide, soit une patate avec rien dedans, que un est un ensemble avec seulement une croix, que deux est un ensemble à deux croix, au sens d’Euclide qui pense que les nombres sont intuitifs et seulement intuitifs: on prend une boîte, on met dedans un caillou, deux caillou, etc…autant d’entiers naturels…au lieu de cela donc, on abandonne l’intuition et on construit un discours cohérent qui articule toutes les distinctions constitutives du zéro, du un, du deux, de façon à ce que l’on ait exprimé toutes les informations logiques nécessaires pour différencier, sans conscience mais infailliblement, le zéro, le un, le deux….

Si fx est le prédicat « être un nombre », alors zéro sera: Il n’existe pas de x tel que fx.

Que sera un? Un sera: il existe un x tel que fx et tel que si y est un nombre, alors y=x. (il existe dans cet ensemble un élément x, de sorte que s’il existe un autre élément quelconque appelé y, cet y est en réalité le même que x et non un autre. Bref on différencie par cet énoncé un de zéro, et un de deux.

Que sera deux? Deux sera: il existe un x qui est un nombre, et il existe un y qui est un nombre, et x est différent de y, et si il existe un z qui soit un nombre, alors ce z sera ou bien x, ou bien y.

On peut continuer à l’infini et dire chaque nombre en articulant logiquement toutes les articulations de chaque nombre sans jamais faire référence à une quelconque situation qui serait donnée intuitivement hors du discours. On dit tout dans le discours sans référer à un donné hors discours, c’est de la formalisation…

Bien sûr on peut se demander si on n’utilise pas toujours implicitement l’intuition pour construire de tels systèmes, c’est toute la question! La science faite peut toujours gommer les risques de la science en train de se faire et prétendre qu’elle tient debout toute seule sans les risques qui l’ont fait naître, mais il faudrait clore le système pour supprimer tout risque, or justement Gödel démontre qu’une clôture formelle du système où il n’y aurait que des concepts n’est pas possible.)]

Un système de logique contient des concepts qui n’ont jamais tous toujours valeur de concepts et qui doivent aussi pouvoir valoir notions, de sorte qu’ils visent ce dont ils parlent dans une distance. L’acte risqué de faire signe ou index est premier, c’est ensuite que les termes se déposent dans le système et font l’objet d’un raisonnement, de déductions, d’opérations ou sont situés et délimités par rapport à d’autres concepts.

Conclusion sur la logique et les maths:

On ne peut pas réduire les maths à la logique au sens d’une formalisation qui éliminerait toute intuition, tout donné, toute « matière », ou qui fermerait totalement le système. Si on réduit les maths à la logique, c’est alors une logique où des notions visent à distance des données issues d’une certaine intuition. Bref il doit toujours y avoir du singulier dans le système.

Puisqu’on parle de quelque chose, qu’il y a une distance nécessaire entre le discours et ce dont il parle, on démontre bien quelque chose, mais jamais tout. Il est donc nécessaire à la démonstration de ne pas tout démontrer. Cela démontre non pas que tout est relatif, mais que le singulier est nécessaire. Reste ensuite à s’entendre sur ce qu’est le singulier…a-t-il un rapport à l’altérité, à l’infini d’avant le fini, ou non? Ces termes sont-ils susceptibles parfois de ne faire qu’un, ou ne le sont-ils jamais?

Si on ne démontre pas tout, cela ne signifie pas qu’on ne démontre rien, bien au contraire. Mais on ne maîtrise jamais la vérité absolue de ce qu’on dit, ce qui signifie ou bien qu’elle n’est pas absolue, ou qu’elle n’est pas absolue de manière certaine, de manière maîtrisée.

Ni intuitionnisme: l’intuition est nécessaire, pas suffisante. Ni formalisme: les concepts sont nécessaires, pas suffisants. Ni constructionnisme: pour connaître il faut construire, mais cela ne suffit pas sinon nous ne connaîtrions que des artifices construits par nous, et non la nature. Qu’en est-il? Que sont intuition, concepts, parole, constructions, volontés?

Contrairement à Descartes, nous dirons que l’intuition de la conscience n’est pas une connaissance de la conscience, qui demeure singulière, énigmatique, mystérieuse. Présence à soi n’est pas connaissance de soi. Nous dirons que l’intuition de l’espace n’est pas une connaissance de l’espace mais sa donation en présence. L’espace donné en présence n’est pas connu, il est vécu, reçu, pro-posé…mieux: posé alentour comme un milieu, qui se confond avec les choses qui le révèlent et le temps de cette présence.

L’espace rencontré, donné en présence, n’est pas connu, il n’est pas distinct du temps et des choses ni connu comme ayant trois dimensions. Ce n’est qu’en décidant de se représenter l’espace, en le reconstruisant, qu’on découvrira clairement au terme de sa construction qu’il a trois dimensions. Pour cela il faudra faire plusieurs opérations à la fois kinesthésiques et linguistiques.

De longues années amènent à distinguer ce qui change de ce qui ne change pas et ce qui est matériel de ce qui ne l’est pas. La notion d’ordre des simultanés différencie remarquablement bien l’espace de son autre. Elle permet d’évacuer le temps, et d’évacuer la diversité matérielle susceptible de remplir l’espace pour ne garder que l’espace dématérialisé: l’espace qui n’est qu’espace, et rien d’autre qu’espace.

Là nous voyons de quoi il s’agit sans connaître pour autant qu’il a trois dimensions. Il est un milieu vague, une immobile présence englobante, un cadre vide indéfini sans contours.

Il est possible alors de lui poser des contours finis par imagination et possible de réduire la taille de ces contours, de diminuer l’espace sans cesse jusqu’à ce qu’il ne soit plus étendu: en présence de l’espace, se représenter le point.

Mais l’infinie petitesse du point empêche de le voir, il faut donc le dire non étendu, et le vouloir infiniment petit.  Le point posé, construit, conçu, non perçu seul mais intuitionné comme un endroit sans étendue dans l’étendue, il est possible de mettre le point volontairement en translation rectiligne. Vers la droite puis vers la gauche ou l’inverse, voici la droite construite en intention: à la fois intuition d’un trait droit, volonté qu’il soit infini aux deux extrémités et infiniment fin, ce qu’il faut dire puisque c’est une signification et non un fait qu’on constate ni un objet qu’on voit, en raison de son infinie finesse et de son infinie longueur. Si vous voyez ce que je veux dire, vous voyez que l’opération mentale de construction du point et de construction de la droite par translation du point est à la fois une intuition, un discours et une opération qu’on effectue. Si vous voyez ce que je veux dire, vous dites ce que je veux voir et vous voulez ce que j’ai conscience de dire, bref c’est réflexif mais pas à la manière d’un rayon qui se replie sur soi…c’est réflexif d’irreprésentable façon, et intersubjectif, et conscience de quelque chose, qui est un vouloir quelque chose ou un dire quelque chose de sorte qu’il existe une distance entre le dire, voir, vouloir quelque chose et ce quelque chose qui pourrait bien être une seule simple et singulière distance, et c’est cela que nous prenons maintenant le risque d’appeler « Je », sans maîtriser de quoi il s’agit, de même qu’on ne maîtrise pas un objet infiniment ouvert ni des postulats qui sont des demandes, pourtant douées d’un sens responsable et qu’on croit vrai.

La translation de la droite générera le plan, dont la translation sera le volume. Faute de place pour une translation spatiale du volume dans l’espace qui n’est qu’espace, on s’en tiendra là et on se dira que l’espace est complet à 3D. C’est ce qu’a fait Euclide, je comprends de quoi il parle et je crois que ce qu’il dit est vrai même si je ne peux pas le prouver par un système fermé de concepts dont la cohérence obligerait par elle seule à justifier cet espace là et aucun autre.

Je sais donc de quoi je parle lorsque je parle de l’espace qui n’est qu’espace, mais je ne sais pas pourquoi il est complet à trois dimensions. Je n’ai pas inventé l’espace, c’est un donné intuitif. Mais j’ai construit l’espace en visant ce donné donc je sais ce qu’il y a dans ma représentation de l’espace puisqu’il n’y a que ce que j’y ai mis: je sais que la droite est infiniment fine parce que je l’ai construite par la translation du point infiniment fin, je sais que le plan est infiniment fin parce que je l’ai construit moi-même par la translation de la droite, et voyant que le plus court est la droite intuitivement rectiligne, celle qui motive le discours d’Euclide sur elle, je sais que le plan est plan et donc je n’ai nul doute que trois angles font 180°. J’ai donc mes certitudes absolues, je vois absolument que le point est infiniment petit, que d’un point à un autre la rectiligne intuitive est absolument la plus courte, je ne m’embarrasse d’aucune contrainte physique qui se décrirait par des contraintes logiques.

Le long développement qui précède voulait me montrer à moi-même que je suis capable d’absolu, que je suis sujet, que je suis singulier et qu’il n’y a qu’un seul singulier, absolu précisément. Dans l’intuition de l’espace qui n’est qu’espace je rencontre la singularité d’une radicale ouverture sur l’infini illogique et incohérent qui me dépasse, et je fais l’expérience de cette rencontre extraordinaire.

Le point est infiniment petit, il est zéro étendue. L’addition des points ne fait pas l’espace, car zéro additionné à zéro autant de fois qu’on veut, c’est zéro. L’espace est donc la translation du point infiniment petit. Or sitôt mis hors de lui, le point est séparé du point par une infinité de points, il y en a même autant que dans la droite, car ici la partie est aussi grande que le tout: l’infini comme transcendance, plus petit que ce qui est petit, plus grand que ce qui est grand, le Singulier, n’est pas le principe logique d’identité idem A=A. A=A est stérile, suppose des données, en nombre fini ou infini, pour former des articulations, des calculs, du fonctionnement.

La translation du point infini(ment petit) forme la droite infini(ment fine, ment longue)e, qui est infinie aux deux extrémités qu’elle n’a pas: contradiction.  L’infini ouvert, c’est ce non logique qui permet de féconder l’existence afin que du fini puisse être évalué dans sa cohérence ou non cohérence. Car il faut rester ferme: l’infini n’est pas irrationnel, il ne supprime pas les contradictions. On ne peut pas prétexter de l’infini pour dire qu’on peut penser des cercles carrés finis, ou des éléphants springters à coeur de moineau.

Le singulier ici n’est pas une particularité existant en un seul exemplaire comme la maladie génétique du manuel page 525, mais le risque de la transcendance, dont Leibniz, qui en a vu l’incohérence, a nié la possibilité, ce qui l’oblige à penser le réel, la substance, comme Monade. Lorsque Nietzsche critique la substance, cogito ou atome, il dénonce la « superstition des logiciens » avec une merveilleuse pertinence, qui n’atteint pas l’intuitif de la certitude du cogito, mais qui attaque le raisonnement par lequel la conscience devient une substance.

Bien sûr que la substance pourrait être la manière dont la conscience infinie, la parole infinie et la volonté infinie sont un seul et même acte simple de transcendance, une seule et même affirmation d’altérité, mais bien sûr telle n’est pas la pensée de Nietzsche, qui n’a d’autre dieu que Dionysos.

J’interromps ce cours, infini sinon, qui doit avoir déjà apporté la clarté qu’il veut offrir. J’ai la certitude absolue du cogito, de la droite intuitive comme plus court chemin d’un point à un autre, du zéro absolu lié à l’impossibilité de faire plus immobile qu’immobile…Je suis donc sujet car j’ai l’idée d’un absolu qui situe tout le relatif à sa place. C’est pourquoi je prétends à la démonstration et à la science. Je sais que la matière n’est pas comme elle me semble être dans mes intuitions ordinaires car mon corps est pris dans des pratiques particulières dont la complication m’échappe et dont la géométrie peut être fort éloignée de celle d’Euclide, qui ne vaut que pour l’espace qui n’est qu’espace.

Je n’essaierai donc point de contorsionner mon esprit pour tenter d’avoir l’intuition d’une quatrième dimension de l’espace qui serait spatiale mais que mon intuition limitée n’aurait pas perçue, car je sais clairement que l’espace s’arrête à trois dimensions. La subjectivité au sens transcendantal du terme n’est pas le subjectif-relatif.

La transcendance est une condition nécessaire de l’objectivité scientifique. Sans transcendance, je ne pourrais penser le point, ni le mettre en translation, ni penser l’infini ouvert comme possibilité existentielle qui me met à distance du fini. Enfermé dans le fini et borné à des calculs, je ne pourrais viser aucun horizon d’objectivité ou d’impartialité parce que je serais condamné à n’être que ce que je suis, à n’être que dans les états où je me trouve, à n’avoir ni souvenir qui serait une présence du passé comme passé, ni projet qui serait une présence du possible comme à venir.

La transcendance qui permet l’objectivité est étonnante pour trois raisons: d’abord ce n’est pas moi, je n’en suis pas la cause, je la découvre comme l’impossible, l’inouï, le plus qu’improbable. Ensuite elle est illogique au sens de la logique du tiers exclu, Leibniz décidé à rester cohérent a raison de la nier. Enfin, elle est singulière puisqu’il n’y a qu’une seule transcendance, simple, celle du temps irréversible qui pousse tout existant à devenir autre que soi, à ek-sister. La rencontre de la transcendance est toujours un événement nouveau, un surgissement actuel.

La transcendance n’est pas illogique au sens d’un défaut de logique, mais surlogique, et la fécondité de la distance qu’elle donne donne vie au système logique et lui permet d’éviter la contradiction des catalogues de catalogues qui ne se mentionnent pas eux-mêmes. (S’ils ne se mentionnent pas, ils doivent se mentionner. Ils se mentionnent donc, mais ne doivent pas le faire…) Il faut limiter la logique pour sauver la logique, limiter les concepts pour sauver les concepts, limiter la représentation pour la sauver. Mais il faut être logique pour démontrer qu’on ne démontre pas tout et que la logique a des limites, il faut des concepts pour concevoir que les concepts ne sont pas tout et qu’ils doivent aussi valoir comme notions, il faut se représenter pour comprendre qu’on ne peut pas tout représenter.

 

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